Ma fille a été abandonnée à la naissance, elle n'est rentrée dans ma vie et moi dans la sienne que deux ans plus tard. J'avais téléphoné à un orphelinat en disant que nous cherchions à adopter un enfant. La religieuse avait interprété cela comme un signe. nous appelions le jour ou justement elle s'était inquiétée pour Pitchoune et m'a de suite dit que nous devions devenir ses parents.
Nous l'avons rencontrée alors qu'elle avait deux ans et demi et des ce premier jour j'ai su que ma fille avait le caractère d'une guerrière et qu'elle saurait mener sa barque...
Elle nous a de suite adopté en nous réservant câlins et sourires alors qu'elle rejetait en même temps ceux qui l'avait recueillie jusque là, refusant d'aller dans les bras des nourrices et des religieuses, jetant des coups de pieds à celles qui osaient insister. Elle a quitté ce lieu familier que représentait l'orphelinat avec un sourire qui en disait long!
Ma Pitchoune aime ou déteste. Elle ne fait pas de compromis. Quand quelqu'un lui plait, elle va lui parler, lui écrire des mots et lui faire des dessins... Quand quelqu'un ne lui revient pas, elle ne fera même pas l'effort d'un sourire.
Au premier abord, on va se dire que c'est de la timidité mais c'est bien plus que ça.... Elle sent les choses et les gens de façon impressionnante pour ses 9 ans.
Elle a une maturité de ceux qui ont déjà connu des épreuves. Je me rappelle d'une anecdote alors qu'elle n'avait que 7 ans. L'instituteur de son frère qu'elle ne connaissait que très peu avait perdu son frère. Un soir ou je venais récupérer mes enfants à l'école, il me pris à part pour me remercier du mot de Pitchoune. Devant ma tête surprise, il réalisa que je n'étais pas au courant et donc pas derrière l'attention de ma cadette.
La miss avait en effet pris l'initiative de lui écrire un mot en lui disant qu'elle espérait qu'il soit moins triste. ..
Pitchoune aime écrire ( tiens ça me rappelle quelqu'un ;) et donne ses lettres aux gens qu'elle aime. Elle a toujours la petite attention qui touche pour les anniversaires, mariages, convalescences ou naissances...
Elle manie les mots bien mieux que les chiffres et peut aussi vous tenir une joute verbale acérée lorsqu'elle n'est pas d'accord avec vous!
Le silence n'est pas son truc et elle lui préfère nettement la conversation qui ne sert pas toujours à grand chose mais lui permet de répondre aux questions innombrables qu'elle se pose sur notre monde. Elle est aussi assez douée pour nous faire le récit de ses aventures sans oublier d'en enjoliver une réalité,ni d'omettre les détails qui l'arrange.
Elle devient ado, je le sens à la fréquence accrue de nos désaccords....
Je réalise que ma fille change.
Elle grandit et son attitude envers moi se modifie, elle peut me coller et me faire des câlins et l'instant d'après dégager une fureur qui s'empare et déborde de son corps frêle en me lançant des couteaux rien qu'en me regardant!
Cela arrive de plus en plus souvent quand je lui refuse quelque chose ou que je contrarie ses plans d'indépendance !
Cela me ramène, malgré moi, a des années en arrière quand je répondais à ma mère avec toute la violence de ma jeunesse. Je me rappelle que j'étais ensuite souvent submergée par l'émotion d'être allée trop loin et de ne plus trop savoir comment revenir vers celle que je détestais et adorais en même temps.
Aujourd'hui, je suis de l'autre côté de la barrière et c'est pareil... Je suis désarçonnée par mes réactions.
Pitchoune arrive à me sortir de mes gonds.... Je saurai capable de lui tenir tête en lui hurlant des choses horribles quand elle est dans cette attitude hautaine et toute pré pubère!!
Je ne sais pas ensuite calmer le jeu et trouver les mots pour la réconforter... Je la comprends ma princesse peut être mieux que quiconque. C'est ma fille. Je suis fière du petit bout de femme qu'elle devient, fière de ses convictions, de son indépendance mais je suis terrorisée à l'idée de perdre le fil pendant cette période ingrate de l'adolescence.... Je ne l'ai jamais retrouvé ce fil avec ma mère.... Pourvu que l'histoire ne se reproduise pas!
" Les jeunes filles sont toujours fort curieuses
d'apprendre ce que leurs mamans ont voulu ne pas ignorer. "
Auteur : Adolphe Ricard - Œuvre : L'amour, les femmes et le mariage - 1857.